Une étude génétique montre que, à la différence du loup, le chien a la capacité de digérer l'amidon.
Le chien serait-il un loup mangeur de pain, de pâtes, de carottes et de petit pois?
Dans une étude parue ce jeudi dans la revue scientifique Nature, des chercheurs suédois, norvégiens et américains révèlent que les ancêtres du plus fidèle ami de l'homme ont vraisemblablement pris goût à ces aliments riches en amidon en cherchant leur pitance dans les décharges des premiers agriculteurs du néolithique.
En plus des déchets carnés, ces loups en voie de domestication y auraient également trouvé de vieux croûtons ou des restes de ragoûts de légumes à se mettre sous la dent.
Bref, un régime carnivore mâtiné de végétarisme qui leur a sans doute permis de mieux supporter les épisodes de disette. Et donc d'en tirer un avantage certain sur le plan évolutif.
«La sélection naturelle de caractères génétiques permettant un usage efficace de ces nouvelles ressources alimentaires a pu conduire à l'émergence d'une nouvelle variété de loups à l'origine de nos chiens modernes», écrivent Erik Axelsson, biologiste à l'université d'Uppsala (Suède), et ses collègues.
Gènes de la domestication
Certes, le régime alimentaire (les loups sont restés strictement carnivores) n'est pas le seul trait qui différencie le chien du loup, dont il descend en droite ligne. Le processus de domestication a également entraîné d'importantes modifications du comportement (agressivité moindre) et de la morphologie (crâne, cerveau et dents plus petites, notamment). «Mais l'intérêt de cette étude est d'avoir identifié différents groupes de gènes spécifiquement liés à la domestication», explique Jean-Denis Vigne, archéozoologue au Muséum national d'histoire naturelle, à Paris.
De fait, en comparant, pour la première fois, le génome entier du chien moderne avec celui du loup, l'équipe d'Erik Axelsson a mis en évidence 36 régions génétiques contenant pas moins de 122 gènes impliqués dans le développement du cerveau et le métabolisme de l'amidon et qui sont tous en rapport avec la domestication du chien.
«Nous apportons la preuve que (ce processus) s'est accompagné de la sélection de trois gènes (AMY2B, MGAM et SLGT1) qui jouent un rôle clé dans la digestion de l'amidon», écrivent les auteurs.
En permettant une meilleure expression de certaines enzymes digestives, ces gènes donnent au chien la possibilité d'assimiler ce glucide complexe et d'en tirer parti sur le plan nutritionnel.
Grâce à ces mutations, des amylases sécrétées par le pancréas sont déversées dans l'intestin du chien pour découper en tronçons plus petits (maltose et oligosaccharides) les longues molécules d'amidon contenues dans le pain et les féculents, jusqu'à leur transformation en glucose. Ce sucre «simple» passe ensuite dans le sang pour servir de combustible énergétique aux cellules de l'organisme.
La chose étonnante est que le chien partage avec l'homme d'avoir acquis cette faculté de manière tardive au cours de son évolution.
Seule différence: notre salive contient également des amylases alors que celles du chien sont exclusivement d'origine pancréatique.
Lignées canines récentes
Selon les auteurs, la présence de déchets alimentaires riches en amidon, dans cette nouvelle niche écologique représentée par la généralisation des premières colonies humaines sédentaires à l'aube de la révolution agricole, aurait joué un rôle moteur dans ce processus évolutif. «Le développement de l'agriculture a catalysé la domestication du chien», concluent-ils.
Un point de vue que nuance Jean-Denis Vigne: «Le chien a subi une sélection par plusieurs étapes. Les premières expériences de domestication remontent à une époque beaucoup plus ancienne, où l'homme, chasseur-cueilleur, avait un régime alimentaire pauvre en amidon. Ensuite, les lignées canines actuelles sont très récentes puisqu'elles ont été sélectionnées par l'homme il y a un siècle ou deux. Les auteurs ont peut-être raison, mais ils n'en apportent pas la preuve formelle. Rien ne dit que ces traits génétiques n'ont pas été acquis récemment à la faveur du développement de la nourriture industrielle pour animaux, notoirement riche en amidon.»
Par Marc Mennessier
Source Le Figaro.fr
Photo : tobyotter
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